jeudi 30 octobre 2008

Avez-vous dit ergogenique ? 4e partie

Par Jean-Yves Dionne, BSc PharmSuppléments

Les acides aminés

Dans cette 4e partie de notre chronique sur les suppléments ergogéniques, nous toucherons aux acides aminés à chaîne ramifiée, à l’arginine et ses précurseurs ainsi qu’à la L-carnitine.

Les acides aminés à chaîne ramifiée (Branched Chain Amino Acids)

Les acides aminés à chaîne ramifiée ou AACR (leucine, isoleucine et valine) sont les acides aminés les plus utilisés par le muscle. Ils jouent plusieurs rôles dans le métabolisme musculaire. Lors d’un exercice intense, ils servent de substrat énergétique et sont oxydés rapidement pour produire de l’ATP. Ensuite, ils interviennent dans la récupération du muscle après l’exercice intense tant aérobique qu’anaérobique et diminuent le catabolisme ou destruction musculaire.(1) Pour les fins de la discussion, l’expression « exercice aérobique » réfère à un exercice intense et répétitif effectué sur une longue période (par exemple, la course de fond ou le triathlon). L’expression « exercice anaérobique » réfère plutôt à un exercice qui comporte moins de composantes cardiovasculaires et plus de composantes musculaires. Ainsi, les sports qui demandent des pointes de puissance comme le hockey, le sprint ou encore l’haltérophilie et le culturisme entrent dans la catégorie des exercices anaérobiques.

Les AACR aident également à diminuer les effets néfastes du surentraînement,(2,3) un peu à la façon de la glutamine (voir la dernière chronique). Ainsi, un supplément d’acides aminés à chaîne ramifiée peut prévenir l’épuisement du système immunitaire constaté chez les athlètes qui participent à des sports d’endurance comme les marathons et les triathlons. Les suppléments d’AACR pourraient également diminuer la fatigue musculaire lors de l’exercice intense par un effet sur le métabolisme du tryptophane et de la sérotonine.(4) Par contre, les AACR n’ont pas montré d’effet « anabolisant », tel que rapporté dans la « littérature musculaire ». Les slogans des suppléments d’acides aminés clament souvent être « le produit par excellence pour faire GROSSIR les muscles ». Cet effet n’est cependant pas validé au-delà de l’effet observé avec un supplément de protéines.

La dose suggérée d’AACR est de 3g à 6g par jour avant ou après l’exercice. Aucun effet secondaire particulier n’a été signalé.

Un petit mot au sujet du HMB (hydroxyméthyle butyrate), un métabolite de l’acide aminé leucine vendu comme stimulant de la croissance musculaire. (5) Outre son apparente innocuité, ce produit n’est supporté que par une documentation qui origine exclusivement d’un même laboratoire. Un juste questionnement quant à l’objectivité des résultats est permis, surtout lorsqu’on apprend que les chercheurs sont actionnaires de la compagnie. Les résultats de ces études sont similaires à ceux obtenus avec les AACR à des doses équivalentes.

L’arginine et ses précurseurs.

L’arginine est un acide aminé. Il est un des précurseurs de l’oxyde nitreux, qui est bien connu pour son effet vasodilatateur. L’arginine est donc utilisé pour toutes sortes de troubles vasculaires des maladies coronaires et vasculaires périphériques jusqu’à la dysfonction érectile. Les sportifs, en particulier les culturistes, l’utilisent justement pour accroître l’apport sanguin aux muscles, de même que pour avoir des vaisseaux comme des « cordes d’extension » (effet vasodilatateur). L’arginine semble en effet améliorer l’irrigation musculaire et diminuer l’accumulation de toxines (acide lactique et ammoniac) durant l’exercice.(6) L’arginine et ses deux principaux précurseurs, l’ornithine et la citrulline, font partie du cycle de l’urée. Ainsi, ces acides aminés permettraient l’évacuation des déchets azotés du catabolisme formés durant l’exercice intense. Une accumulation de déchets azotés comme l’urée ou l’acide urique au niveau des muscles entraîne une fatigue musculaire importante. La citrulline est donc vendue pour augmenter la résistance et l’endurance musculaire.

La citrulline a été isolée pour la 1ère fois dans du jus de melon d’eau (Citrullus vulgaris). Elle est vendue sous forme de malate de citrulline dans diverses formulations en poudre ou en liquide. Les quelques rares données disponibles montrent un effet positif sur l’endurance : le malate de citrulline améliorerait l’endurance aérobique.(7) Cet effet antifatigue a également été noté suite à des infections bactériennes. Dans un modèle animal, on a injecté des extraits de bactéries à des rats pour simuler une forte infection qui provoque, entre autre, une fatigue musculaire importante. Le traitement à la citrulline a soulagé cet effet.(8)

Selon les fabricants, la citrulline est en passe de devenir la future créatine. Par contre, comme elle est un précurseur de l’arginine, rien ne prouve que son effet soit supérieur à cette dernière. La dose recommandée est semblable à celle des autres acides aminés soit environ 6g par jour.

L-carnitine

La L-carnitine est un autre de ces acides aminés orphelins. Elle n’a pas de rôle structural mais elle intervient au niveau de la mitochondrie dans la cellule où elle facilite la pénétration des nutriments. On retrouve d’abondantes références sur son rôle dans les dégénérescences neurologiques depuis la maladie d’Alzheimer jusqu’à la maladie de Friedreich (9) en passant par l’azoospermie (10).

La L-carnitine et ses sels (acétyle, tartrate, propionyle, etc.) sont considérés par Santé Canada comme des « nouvelles drogues » et doivent donc passer par toute la procédure des médicaments.

Dans le sujet qui nous intéresse ici, l’effet de la carnitine est mitigé et controversé. Il semble qu’un supplément de carnitine aide l’athlète à utiliser les gras comme substrat d’énergie de façon plus efficace.(11) La carnitine permettrait également de retarder la sensation de fatigue lors d’un entraînement long et vigoureux.(12) Par contre, elle ne semble pas avoir d’effet notable sur la performance(13) quoique au moins une étude ait noté une amélioration de la performance.(14) Le tartrate de carnitine a un effet pour diminuer les marqueurs sanguins de la récupération musculaire. (15) Cet effet pourrait indiquer qu’il améliore la récupération musculaire après un exercice intense. L’effet sur la perte de poids, tant vanté par certains fabricants de suppléments américains, est également controversé.(16) La dose recommandée est de 2 à 3 g par jour.

Dans le prochain volet de cette série, nous visiterons un culturiste pour apprendre ce que recommande un entraîneur…

Références :

1. Shimomura Y, Murakami T, Nakai N, Nagasaki M, Harris RA. Exercise Promotes BCAA Catabolism: Effects of BCAA Supplementation on Skeletal Muscle during Exercise. J. Nutr. 134: 1583S–1587S, 2004.

2. Bassit RA, Sawada LA, Bacurau RFP, et al. The effect of BCAA supplementation upon the immune response of triathletes. Med. Sci. Sports Exerc. 2000;32(7):1214–19.

3. Bassit RA, Sawada LA, Bacurau RFP, et al. Branched-Chain Amino Acid Supplementation and the Immune Response of Long-Distance Athletes. Nutrition 2002;18:376 –379.

4. Petibois C, Cazorla G, Poortmans JR & Déléris G. Biochemical Aspects of Overtraining in Endurance Sports A Review. Sports Med 2002; 32 (13): 867-878

5. Nissen S, Sharp R, Ray M, et al. Effect of leucine metabolite b-hydroxy-b-methylbutyrate on muscle metabolism during resistance-exercise training. J. Appl. Physiol.1996; 81(5): 2095–2104.

6. Schaefer A, Piquard F, Geny B, et al. L-arginine reduces exercise-induced increase in plasma lactate and ammonia. Int J Sports Med. 2002 Aug;23(6):403-7.

7. Bendahan D, Mattei JP, Ghattas B, et al. Citrulline/malate promotes aerobic energy production in human exercising muscle. Br J Sports Med. 2002 Aug;36(4):282-9.

8. Goubel F, Vanhoutte C, Allaf O, et al. Citrulline malate limits increase in muscle fatigue induced by bacterial endotoxins. Can J Physiol Pharmacol. 1997 Mar;75(3):205-7.

9. Schols L, Meyer Ch, Schmid G, et al. Therapeutic strategies in Friedreich's ataxia. J Neural Transm Suppl. 2004(68):135-45.

10. Lenzi A, Sgro P, Salacone P, et al. A placebo-controlled double-blind randomized trial of the use of combined l-carnitine and l-acetyl-carnitine treatment in men with asthenozoospermia. Fertil Steril. 2004 Jun;81(6):1578-84.

11. Cha YS, Choi SK, Suh H, et al. Effects of carnitine coingested caffeine on carnitine metabolism and endurance capacity in athletes. J Nutr Sci Vitaminol (Tokyo). 2001 Dec;47(6):378-84.

12. Clarkson P: Nutritional ergogenic aids: carnitine. Int J Sports Nutr 1992;2:185–190,.

13. Colombani P, Wenk C, Kunz I, et al. Effects of L-carnitine supplementation on physical performance and energy metabolism of endurance-trained athletes: a double-blind crossover field study. Eur J Appl Physiol Occup Physiol. 1996;73(5):434-9.

14. Dragan GI, Vasiliu A, Georgescu E, Eremia N: Studies concerning chronic and acute effects of L-carnitine in elite athletes. Physiology 1989;26:111–129,.

15. Volek JS, Kraemer WJ, Rubin MR, et al. L-Carnitine L-tartrate supplementation favorably affects markers of recovery from exercise stress. Am J Physiol Endocrinol Metab 2002 Feb;282(2):E474-82

16. Villani RG, Gannon J, Self M, Rich PA. L-Carnitine supplementation combined with aerobic training does not promote weight loss in moderately obese women. Int J Sport Nutr Exerc Metab. 2000 Jun;10(2):199-207.

Copyright à Jean-Yves Dionne - InfoNaturel.ca - Le 30 octobre 2008

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