mercredi 12 janvier 2011

Homéopathie en Haïti

Haïti 2010. Quatre séjours au fil de l’année me permettent de constater, une fois de plus, l’immense force curativeDSC_1105 de l’homéopathie. Des homéopathes de partout ont accouru pour aider les victimes du séisme. Au cours des semaines de traitement de blessures et traumatismes physiques et émotionnels variés, fidèle au poste, sans effet toxique ni secondaire, sans dépendance au remède, sans coût élevé, l’homéopathie enraie les douleurs, élimine les symptômes causés par le trauma physique, les membres coupés, et accélère la guérison des fractures osseuses, des plaies infectées.

Soigner les chocs physique et émotionnels

Ce qui m’éblouit toujours de l’homéopathie, c’est sa formidable capacité de rétablir l’équilibre du corps et de l’esprit à la suite d’un choc émotionnel. Je le constate ici dans ma pratique depuis plusieurs années, mais de l’observer en Haïti auprès de gens confrontés à une telle urgence, je me dis que les granules sont un cadeau du ciel. L’homéopathie est la seule médecine que je connaisse qui puisse équilibrer le système, aussi rapidement et profondément de surcroît, des effets d’un traumatisme, d’une terreur, de la perte, du chagrin, à la suite d’une catastrophe pareille. Vous vous demandez peut-être de quoi je parle? Soigner les émotions? Oui, oui, l’homéopathie soigne également le traumatisme émotionnel. (Détails sur HOMEOPATHE.ca) Oui, de la même façon qu’un coup physique laisse une marque sur le corps, le coup émotionnel déséquilibre la vitalité et provoque des symptômes que l’on peut observer sur le corps ou dans le ressenti de la personne. Alors les traitements que j’apportais en Haïti soignaient le corps de ses blessures, certes mais aussi niveau émotionnel, l’anxiété, l’angoisse extrême, les cauchemars, les délires... Mais j’y arrive plus loin. D’abord, laissez-moi vous raconter un peu mon contexte avec Haïti.

Souvenirs d’Haïti

Je vous fais un topo vite fait. Mon père Michel (papi) était d’origineDSCN5321 haïtienne. Souvenirs d’enfance en Haïti; séjours à la plage avec les amis et la famille, ballades en bateau à l’Île de la Gonave, à la montagne, expéditions au Cap au nord, à Jacmel au sud, à Port-Salut... J’ai scruté tous les recoins d’Haïti dans mon enfance. Des paysages à couper le souffle, un peuple attachant, chaleureux et doux. Sur les quelques années où j’y ai vécu de 3 à 6 ans et à 16 ans une année, l’école, les devoirs sous le soleil de la plage, les chansons et la danse compa, une nonchalance douce et merveilleuse, marcher nu pieds toute l’année. Le bénévolat dans les mouroirs et les orphelinats, des soins auprès des enfants du quartier. Une vie de partage. Un partage et un désir profond d’apporter quelque chose de concret au pays qui souffre de plus en plus. Un peuple adorable, souriant, intelligent que je visite dans une atmosphère de détente, de vacances en allant visiter mon papi qui y vit.

Mon père et l’homéopathie.

Mon père était fasciné par la science. On aurait pu croire qu’il avait vendu son âme et son esprit aux idées scientifiques conventionnelles à un très jeune âge. D’une intelligence vive, une vraie éponge, il ne ratait pas un seul numéro de ses revues scientifiques préférées et la vérité ne passait que par ça. On l’a tous vu faire la sieste, les mains croisées sur une revue scientifique sur la poitrine. En 1996, lorsqu’il apprend que j’entreprends des études en homéopathie, j’ai cru sur le coup qu’il allait faire une apoplexie. J’avais vendu mon âme à la sottise, à la bêtise humaine. Il a tenté tant bien que mal un mini chantage émotionnel vite épuisé, puis un semblant de menace de me renier aucunement convaincant. Son amour paternel était quand même plus fort. « Toi, ma fille, si intelligente, comment peux-tu donner ta vie à ça? » Il m’aurait bien fait exorcisé pour chasser ces folles idées empiriques qui prenaient ma tête en otage, mais il n’avait ni contact valable, ni crédibilité auprès de l’église catholique qu’il évitait. De mon côté, mon expérience de l’homéo avait gravé dans le marbre une confiance inébranlable en cette médecine. Mon idée était faite et la sienne aussi.

On ne parlait donc plus de l’homéo et on continuait de s’aimer comme toujours.

Papi veut que je retourne en Haïti

Mon dernier voyage en Haïti avant le séisme remontait à l’été 1996. Une visite avec ma fille de 20 mois dans une situation sociale plutôt instable. Les événements encore frais à ma mémoire me faisaient repousser l’idée d’y retourner. Au cours des 13 dernières années suivantes, à la moindre stabilité sociale, papi insistait et cherchait par tous les moyens les plus ingénieux les uns que les autres de me convaincre à retourner en vacances en Haïti avec ma fillette. Je lui répondais toujours comme une tempête au visage que je ne remettais plus les pieds dans ce pays où j’avais déjà pris le risque idiot d’y amener ma fille. Il faisait une tête de chien battu, allait refaire ses forces, et me revenait à la charge avec un nouvelle idée qu’il croyait séduisante et merveilleuse. Un camp de tennis, un camp de voile à Jacmel? Non! Pas question. Je ne retourne pas en Haïti avec ma fille! Laisse-moi tranquille papi, je n’y retourne pas. Arrête!

Papi expérimente l’homéopathie

À travers les années, mon papi s’est très bien adapté à maSandale profession d’homéopathe en faisant lui-même l’expérience de cette médecine. Il n’avait pas vraiment le choix. À quelques reprises, il a été si malade que rien ne le soignait. Il a littéralement failli crever lors d’un empoisonnement alimentaire en Haïti. Six mois plus tard, il avait encore des douleurs atroces aux jambes, des diarrhées constantes et vomissements la nuit, des palpitations violentes, des troubles de la vision. Pas moyen de lui envoyer les remèdes. Dès son arrivée à Montréal, avant même qu’il n’ait le temps de protester, je lui lance quelques granules d’Arsenicum Album 200K dans la bouche. Le soir même, il se porte mieux à 50% et ses selles sont normales. Toutes les douleurs disparaissent dans les 48 heures, et son état, son énergie globale est revient à la normale en moins de trois jours. Les premières fois, comme tout le monde, pour son mal de tête épisodique ou pour une grippe soignée en quelques minutes avec les granules, il avait donné le mérite de sa guérison au heureux hasard, ou à son nouveau shampoing, mais cette fois, la guérison instantanée d’une maladie qui datait de plusieurs mois avait révolutionné sa perception des choses. L’homéopathie était la révélation du siècle. Il était vraiment impressionné. Il a donc consulté Georges Arragon, mon professeur, qui l’a grandement aidé dans ses troubles cardiaques. Puis papi se vantait maintenant à qui voulait l’entendre que sa fiiiille était une HO-MÉO-PATHE! Oui messieurs! C’est par n’importe qui ma fille! « Papi, à peu près personne ne connaît l’homéopathie au Québec. Y’a pas de quoi se lancer sur les murs. Je nage à contre-courant.»

-« Mais alors viens pratiquer en Haïti ma fille chérie! »

-« Ah non… pas encore! »

Voilà qu’à travers les années, papi avait trouvé en l’homéo un nouvel allié à sa cause. Voilà qu’il insistait maintenant pour que j’amène l’homéopathie en Haïti. « Ah non, papi! Tu vas pas recommencer! Non, non et non!!» Mais dans mon coeur, je sentais le besoin d’apporter cette médecine si efficace et abordable en Haïti et je sentais qu’il avait bien raison. Mais l’éternelle instabilité politique et sociale freinait les élans humanitaires de la mère responsable que j’étais…

La promesse

Printemps 2009, en prenant une tisane avec papi, il me parle de son travail de purification de l’eau en Haïti, deDSCN5823 l’homéopathie… Je ne sais trop ce qu’il a mis dans ma tasse, mais sur un élan du cœur, je lui lance finalement la promesse de retourner en Haïti et d’y apporter mes granules. Ma fille est plus grande, plus autonome. La situation politique est de mieux en mieux en Haïti. « D’accord Papi, j’irai bien en Haïti faire de l’homéopathie. » Il était fou de joie. Il passe l’été en Haïti, revient avec un plan, il a parlé à tout le monde là-bas que je débarque bientôt. Il a hâte que je rentre. « Attends papi, pas tout de suite! »

Mais le 8 novembre 2009, papi quitte ce monde lors d’un accident tragique.

Fin novembre, pendant une consultation, une patiente me dit voir mon père. Je la laisse délirer. J’écoute vaguement par politesse… Jusqu’à ce qu’elle me dise qu’il était sur un canoe rouge, parti voir des oiseaux sur le lac. Il est tombé tout près du bord. L’eau était glacée. C’est exact. Elle me dit qu’il me fait dire que je vais bientôt retourner quelque part au loin chez lui. « Il est d’où ton père? » J’ai la chair de poule et la mâchoire qui tombe. « Dis-moi pas que même mort il va continuer d’insister pour que je retourne en Haïti! Ça alors! Quand il a une idée le papi! »

Elle me dit : « Il rit, et dit qu’il va se passer quelque chose et tu y retourneras. Plusieurs fois dans l’année 2010. Tout ira bien. »

La mâchoire tombante, je salue la dame délirante qui m’a raconté toutes sortes de choses sur mon père décédé, des choses que personne ne pouvait savoir. J’en oublie la moitié et range l’autre moitié du côté irrationnel de mon cerveau encore ramolli par le deuil. « Plusieurs fois en Haïti, n’importe quoi! Et puis tous les canots sont rouges. »

Moins de deux mois plus tard, janvier 2010, la terre haïtienne tremble et se déchire. Elle secoue son peuple déjà dévasté et meurtri. Vous connaissez l’histoire.

Il faut retourner en Haïti

En moi s’éveille l’urgence extrême de rentrer en Haïti tout de suite, au plus vite. Je fais les cent pas à Montréal. Trouver un moyen de rentrer en Haïti. Tout est bloqué. On peut passer par la République. Pour chaque blessé, chaque souffrant que je vois à la télé, je vois le remède homéopathique dont ils ont besoin. Par tous les moyens, il faut que je rentre. J’ai l’impression de voir papi sourire dans sa barbe. Je me souviens de ma patiente qui délire. Mais je reçois un appel. Mon demi-frère, le fils de mon père, 14 ans, est rapatrié par l’Ambassade du Canada. On me dit qu’il atterrit dans 5 minutes. Il est séparé de sa mère qui n’a pas de passeport canadien. Il logera chez moi et terminera son année scolaire. Le temps de l’installer ici, je peux prévoir un départ. J’aide d’autres équipes, dont celle d’Amma à rentrer. Certains vont loger chez papi. Je fais une levée de fonds auprès d’amis et de patients afin de couvrir une partie de mes frais de départ. Mille mercis à tous. J’amasse 3 000$ . Je pars finalement pour Haïti à la fin février 2010. Sept sacs de 30 kilos d’équipement, de remèdes, de nourriture, de tentes et de bâches… J’apporte aussi le chapeau de coton blanc de papi.

L’approche de Port-au-Prince

Treize ans plus tard, je survole les montagnes que j’ai tant survolées dans ma jeunesse. L’approche du Nord vers le sud d’Haïti jusqu’à la baie de Port-au-Prince représente une demie heure de survol de montagnes en majorité désolées et démunies de leurs arbres. Haïti (Ayiti) signifie « Terre de Montagne ». Ce trajet entre le Cap au nord et Port-au-Prince, je le faisais chaque année en allant visiter papi tout l’été ou pour Noël. Ce trajet annonçait la plage avec les amis et la famille, le carnaval, les festivals de musiques Antillaise, les restos à ciel ouvert, les longues discussions avec les marchandes de mangues et de pistaches grillées, les ballades en tap-tap dans la ville, la danse compa avec les amis et avec papi qui adorait danser, les ballades en montagnes, les marches avec Papi à la rivière et à la grande chute derrière chez nous, les thés d’ibiscus et de citronnelle de Nana notre nounou. Papi qui me racontera la croissance de ses arbres fruitiers, de ses oiseaux, et l’éternel astronome en lui me fera rêver ou dormir, selon, en me racontant toutes les constellations du ciel infini. Travailler dans les orphelinats, les mouroirs, soigner les enfants du voisinage avec les plantes médicinales qui poussent partout… que de souvenirs de toutes sortes. C’est ce qu’annonçait le survol de ces montagnes. C’est la première fois que je rentre avec mes granules et dans un but tout à fait différent. Dans quel état vais-je retrouve le peuple de mon père?

L’arrivée à Port-au-Prince

On approche la baie de Port-au-Prince. Près du port, beaucoup de navires que d’habitude. Une immense croix rouge sur l’un d’eux. Des navires de croisières aussi semblent participer au travail de secours. On survole maintenant la terre de près. Toute dernière approche. Des toiles bleues jonchent le sol. Ce sont des tentes. Beaucoup plus de bidonvilles qu’à l’époque. Beaucoup de structures aplaties. On se pose sur la même petite piste qui semble dire combien le pays est encore fragile. Un aéroport occupé par des hélicoptères venus d’ailleurs, de massifs avions d’armée, disproportionnés avec le petit aéroport. Des centaines de containers ici et là. Des dizaines de soldats à l’air sérieux s’activent au sol. Dans les hélicoptères, on voit des soldats armés qui semblent prêts à sauter sur un danger quelconque… Savent-ils combien le peuple haïtien est généralement inoffensif et pacifique? Ils ne sont pas ici pour la plage, en tout cas. Et moi non plus d’ailleurs. On se croirait dans un pays en guerre. Haïti chérie, qu’est-ce qui t’arrive encore? L’ambiance n’est vraiment plus du tout la même. De l’avion qui roule au sol je peux voir la bâtisse de l’aéroport. La grande balustrade blanche des au revoirs d’où Papi m’envoyait la main d’un air triste est vide. Elle est fissurée et désaxée. L’aéroport est endommagé. Quand Papi m’envoyait la main, combien de fois je me suis demandé si je le reverrais encore un jour.

Le soleil et les montagnes tiennent toujours.

Je sors de l’avion. Les montagnes tiennent toujours. Le soleil, lui, plombe toujours autant. Je mets le chapeau de coton blanc de papi. Il me portera chance. Tiens, j’ai les larmes aux yeux. Je mets aussi mes lunettes de soleil. J’étais loin de m’imaginer que ma promesse à papi se réaliserait si vite et dans des circonstances également tragiques. À l’accueil, juste avant de monter dans un autobus qui nous mène aux douanes, un groupe de musiciens jouent pour les touristes humanitaires. Ils jouent « Ti-z- oiseaux ». Une des chansons de mon enfance que je chantais avec mon père. C’est le séïsme en moi. Démolition totale de mes fragiles barrières. Ça y est, c’est le déluge derrière mes lunettes. J’ai l’impression d’entendre mon clown de papi me dire : « Si tu pleures comme ça ma fille chérie, les Haïtiens seront bien découragés de voir l’aide humanitaire arriver en sanglots. » Et je ris toute seule maintenant. Heureusement, je me change les idées avec le fouillis total pour récupérer les bagages, Tiens, ça, ça n’a pas changé. Le doux chaos organisationnel du pays visible dès les douanes. Je reconnais enfin la place.

Dehors, derrière les clôtures, on m’envoie la main. C’est vrai! Papi n’est pas là pour m’accueillir. Ce grand corps élancé couleur chocolat n’est plus. Mais sa lumière, je la sens tout contre moi.

Mes collègues homéopathes arrivés d’Europe hier sont là. On va directement sur le terrain soigner pendant que le chauffeur monte mes bagages à la maison de papi où on loge. L’urgence est dans le soin du deuil des autres en ce moment. Il m’aidera à faire le mien.

Sur la route

Sur la route, des immeubles démolis, les routes bloquées, la poussière, l’odeur des cadavres ici et là. Les visages meurtris par le chagrin et la peur. Les immeubles tant visités avec papi sont démolis mais ces souvenirs sont sans importance à côté de ce que souffrent les gens. Vous connaissez l’histoire, vous avez vu les images. Ce qui déconcerte le plus est de ne pas voir d’accès à l’eau, de ne pas voir de camions distribuer de l’eau à chaque coin de rue. Les gens me demandent : « Quelle aide humanitaire? » Des gens laissés à eux-mêmes depuis toujours ayant l’habitude de se débrouiller tant bien que mal sans le moindre soutien social continuent à se débrouiller tant bien que mal. Quelques tentes de soins de santé ici et là.

Nous pratiquons dans les rues de différents quartiers, auprès d’enfants et d’adultes, auprès des enfants d’une école de Pernier, dans les bidonvilles de Solino, dans les rues de Pétion-Ville, à la montagne, dans les villages de tentes de Pétion-ville, Place St-Pierre, Place Boyer, et de Port-au-Prince et Delmas. Pour l’organisme d’Amritananda Embracing The World.org nous distribuons des repas et mettons aussi sur pieds un programme qui offre des bourses d’études à 30 enfants d’âge primaire et secondaire. 100% des fonds amassés par d’Amma est utilisé dans les programmes humanitaires dans le monde car 100% des gens tel que moi travaillons pour elle sur une base bénévole.

L’homéopathie pour les premiers soins de Port-au-Prince

Entre février et août 2010, je retourne quatre fois à Port-au-Prince. Tant pour soigner les blessés dans les rues que pour les oeuvres humanitaires d’Amma.

L’homéopathie, ma fidèle compagne, se montre encore et toujours rapidement efficace, fiable, ultra-économique, sans toxicité. Vous savez, l’homéopathie ne se limite pas au soin des petits rhumes. Vous connaissez certainement l’Arnica. Et bien ce remède n’est que la pointe d’un immense iceberg de possibilités dans les premiers soins et les urgences. Dans les rues de Port-au-Prince, avec différents collègues sur les quatre séjours, dont Edouard Broussalians de Suisse et Robin Murphy des États-Unis, nous soignons plus de 100 personnes par jour chacun.

Nous assurons le suivi des patients grâce à une rotation des visites régulières des différents sites. Certains collègues venus loger chez moi pratiquent à l’hôpital français de Port-au-prince avec Homéopathes Sans Frontières des États-Unis. Pour le moment, j’opte pour la mobilité du travail dans les rues car le flot de gens y est plus grand et l’accès pour eux est à proximité. Partout où nous allons, le besoin est pressant et l’homéopathie offre une réponse efficace et rapide.

Notre clinique homéopathique

Petit et bien modeste établissements de fortune : une bâche pour nous protéger du soleil et de ses 40 degrés, une petite table et quelques chaises. L’efficacité de l’homéo lance à notre petite clinique une réputation qui se répand comme la poudre à canon. Le fait que je parle créole déconcerte toujours les gens qui rient aux éclats. Ils ne reconnaissent presque jamais que je suis métis et me croient étrangère. Quand je me mets à parler créole, leurs yeux s’écarquillent et ils rient. Quelques jeunes dont les activités scolaires sont interrompues choisissent de nous aider bénévolement à noter les symptômes et organiser les visites et les rendez-vous suivants. Nous mangeons et partageons les noix et barres protéines apportées de chez nous, et sommes sur place du matin au soir.

Que soigne l’homéopathie en Haïti ?

Seule ou accompagnée de mes collègues, je rencontre constamment, du matin au soir, des gens de tout âge, souffrant de blessures profondes, des plaies ouvertes infectées, de douleurs musculaires et maux de tête persistants et intenses causés par les coups, de troubles bronchiques causés par la poussière des débris, par le chagrin aussi, de fractures encore douloureuses, mal guéries, de douleur fantôme causées par l’amputation…

Je vois des survivants adultes et enfants qui ont été ensevelis quelques heures, quelques minutes. Certains n’ont reçu qu’une brique sur la tête. Les remèdes tel qu’Arnica en 200K, 10 Mille K ou 50 Mille K sont indispensables. Natrum Sulfuricum pour les suite de traumatisme crânien éliminent les vertiges et autres troubles nerveux dus aux traumatisme crânien. Des remèdes tels que Calendula, Hepar Sulfur, Staphysagria, Ledum, Hypericum soignent les douleurs aiguës et infections de plaies ouvertes en moins de 48 heures. Dans les blessures par ponction, dans les coupures profondes, certaines douleurs ressemblent même à un développement de tétanos. Douleurs vives le long du trajet du nerf. Ledum 200 puis Hypericum 200 en doses répétées, ces deux remèdes utilisés depuis 200 ans pour prévenir et soigner le tétanos, sont rapidement efficaces dans les rues de P-a-P pour cette majorité de gens n’ayant pas été vaccinés.

Je rencontre beaucoup de gens souffrant de douleurs osseuses atroces à la suite de fractures mal ou pas du tout soignées. La guérison osseuse est parfois très lente même si moins douloureuse. Il arrive que la guérison une fois achevée, l’os et l’articulation demeurent douloureux ou sensible au mouvement, à la pluie. Dans ces cas, l’homéopathie offre encore des solutions efficaces et soigne en profondeur. Des remèdes tels que arnica, bryonia, calcarea-phosphoricum, symphytum, ledum, bellis-perrenis, rhus-toxicodendron sont indispensables et constamment utilisés selon les symptômes. Je remets les doses dans de petites enveloppes. Les gens repassent nous voir dans les prochains jours le sourire aux lèvres et accompagnés d’amis à soigner.

Parfois, nous demandons aux patients de rester dans la zone quelques heures afin que l’on puisse tout de suite observer l’amélioration. Dans les heures, voire les minutes qui suivent la prise du remède, on peut souvent constater une nette amélioration. Dans les cas de douleurs extrêmes, de maux de têtes intenses, de plaies infectées et purulentes, nous pouvons rapidement observer une nette amélioration, tant au niveau de l’aspect de la plaie que de la douleur.

Dans les plaies infectées, je dilue aussi le remède Calendula 200K ou 30 CH dans un peu d’eau propre. Les laboratoires Boiron m’a offert des bouteilles de Teinture Mère de Calendula qui nous sont très utiles. Je remets la solution au patient qui pourra en appliquer l’équivalent d’un bouchon toutes les 20 minutes. Cette solution accélère la guérison des plaies.

La poussière des décombres de la ville

La poussière des décombres est un autre problème auquel les gens doivent faire face. Irritation des yeux et des voies respiratoires. Les remèdes tels que Euphrasia, Ruta Graveolens, Silicea, selon les cas, agissent vite dans le soulagement et la guérison des bronchites et infections des yeux causés par la poussière. Certains ont même reçu des débris dans les yeux. Une irritation des yeux s’aggrave parfois. Aconit, Staphysagria, Hypericum sont indiqués et très efficaces pour soigner les blessures de la cornée.

La saison des pluies approche. Le printemps a été pluvieux. Les jours chauds et les nuits fraîches d’été à la montagne. Pour les gens qui dorment dehors le sol frais cause des douleurs articulaires et musculaires. Des douleurs qu’il faut soigner tout de suite avant que ne s’installe une chronicité. Elles sont vites enrayées avec des doses répétées des remèdes tel que Rhus-Tox, Ruta ou Dulcamara, selon les besoins. Le tour est joué, les gens reviennent avec un grand sourire. Les douleurs ont disparu. Je leur laisse quelques doses à reprendre au besoin.

L’eau insalubre fait des ravages auprès des enfants et des adultes. L’homéopathie est d’un grand secours pour vite enrayer les diarrhées, les douleurs abdominales et chasser les parasites. L’eau potable est un luxe que peu peuvent se permettre. Je distribue Arsenicum Album 200K dans certains villages de tentes dans des gallons d’eau et en granules dans d’autres villages de tentes car l’accès à l’eau est très limité. Ce remède est connu pour enrayer les diarrhées causées par la nourriture ou l’eau contaminée. La distribution du remède permet d’enrayer les diarrhées en 24 h dans les villages que nous visitons. Comme j’aimerais que ce remède puisse être distribué dans tout le pays afin d’augmenter la résistance des gens et éviter la propagation d’une épidémie. Mais mon séjour est limité et il n’y a pas d’accès à l’eau pour y distribuer les remèdes. Je fais ce que je peux avec mes moyens du bord.

Le lien entre le choc émotionnel et la maladie.

Mes professeurs Linda Arbour et Georges Arragon ont été les seuls homéopathes que j’aie rencontrés dans le monde à insister sur l’importance de bien écouter et comprendre l’essence de ce qu’une personne vit juste avant de tomber malade. Lorsqu’un stress émotionnel est impliqué dans la cause de la maladie (car il ne l’est pas à tout coup) il importe de comprendre la source profonde du ressenti de la personne.

Cela nous permet, comme homéopathe, de trouver le remède qui correspond à la personne en profondeur. Dans le cas où l’élément déclencheur de symptômes est un stress émotionnel, il faut bien discerner la sensibilité exacte de ce que la personne vit à travers son stress.

Le remède adéquat correspondra à l’émotion vive qui déclenche la maladie ainsi qu’à la façon que s’exprime la maladie. C’est un fondement de base de l’homéoapthie (voir Homeopathe.ca).

Dans à peu près tous les cas où les gens ont développé un trouble chronique après le séisme, le remède qui les a guéri était relié à un stress émotionnel. En lisant ces lignes, vous imaginez peut-être une émotion possible? Que croyez-vous que les gens auraient vécu dans une telle situation? La gamme d’émotions est plus vaste que ce qu’on imagine.

À chaque traumatisme son remède.

La peur. Chez la plupart des gens rencontrés, la peur s’est figée en eux.

Le remède qui convient à chacun varie selon que la peur est agitée, figée, constrictive, dopante comme l’opium, intériorisée ou exprimée à un degré plus ou moins important. Une peur peut rendre agité, agressif, loquace, ou muet, passif et figé. La peur peut empêcher de dormir, de manger, de respirer normalement… Elle peut cesser le transit intestinal ou provoquer la diarrhée. Elle peut accéler le pouls, provoquer des palpitations, ralentir le système. La peur peut donner l’impression d’un danger, d’un autre séisme imminent à tout instant. Certains développent une forme de délire, crient encore à l’occasion, sursautent au moindre bruit soudain. Certains ont encore peur, d’autres pas du tout. À chacun son remède. Des remèdes tel qu’Aconit, Opium, Gelsemium, Stramonium, Ignatia, Calcarea ont fait des heureux qui ont pu retrouver un rythme cardiaque, un sommeil, une vie un peu plus normale.

Le chagrin, la perte. La perte d’un enfant, de parents, d’amis, de collègues. Tous en Haïti ont vu et vécu de près et de loin la souffrance, la mort, l’impuissance, la colère, la rage, le désespoir, l’insécurité, la solitude, l’inquiétude, la perte, la faim, l’abus, l’injustice. Tant de gens ont perdu une maison, une vie d’économie, tous leurs biens. D’autres ont perdu la sécurité, raison de vivre. Certains ont même perdu la raison. Le résultat est qu’à travers tous ces traumatismes, les gens perdent peu à peu la santé, le sommeil, la joie de vivre, l’équilibre. L’homéopathie a pu rétablir chez la majorité des survivants que j’ai rencontrés un équilibre dans leur vie émotionnelle. Une femme présentait une masse douloureuse au sein gauche après le départ de son mari. Il a pu quitter le pays grâce à de la famille aux É.U. et l’a laissée derrière. Elle m’a expliqué en profondeur son ressenti dans cet abandon, je lui ai laissé un remède. À mon second séjour, la masse douloureuse avait disparu. Elle ne se sentait plus ensevelie par le chagrin.

Coup physique, coup émotionnel : Tout comme un coup physique cause une ecchymose, un coup émotionnel peut déclencher un déséquilibre de la vitalité et laisser place à la maladie.

À la suite du traumatisme apparaissent infections de toutes sortes, palpitations, faiblesse extrême, tremblements, cauchemars, insomnie, troubles respiratoires, asthme, bronchite, pneumonie, diarrhées et vomissements, pertes sanguines, incapacité de parler, de marcher, diminution importante de l’audition, de l’appétit, douleurs abdominales intenses, méningites, troubles menstruels, thyroïdien, trouble cutanés, masses…Mais l’homéopathie étant une médecine qui tient compte de la source du problème, à chaque type de traumatisme son remède. Selon le traumatisme vécu, lorsque le remède adéquat est trouvé et administré, il soigne en profondeur.

Il est temps de partir.

Tu vois papi, c’est bien la première fois de ma vie que je vais 4 fois en Haïti dans la même année! Et je compte bien y retourner. Promesse tenue. En attendant, je t’embrasse bien fort.

Il est déjà temps de quitter Port-au-Prince. J’ai de la peine de ne pouvoir rester plus longtemps et répondre aux besoins encore pressants. L’avion tourne et je revois la grande balustrade blanche fissurée. Elle est vide. Son accès est toujours fermé. Mais dans mes souvenirs, j’y vois encore papi m’envoyant la main. Cette fois, il me semble heureux et souriant.

Haïti au temps du choléra : En ce moment, non seulement le choléra s’empare du pays, mais par une instabilité politique et une violence dans les rues qui peut durer encore quelques semaines. Je vais en Haïti à mes frais, et ne peux me permettre d’y être autant que je le souhaite. Je trouve très frustrant de ne pouvoir retourner soigner les gens souffrant du choléra, mais je peux tout de même donner quelques indications à certaines personnes afin de prévenir et soigner le choléra autour d’eux avec mes remèdes laissés à la maison de mon père. Les écoles des enfants d’Amma et quelques autres écoles et amis s’occupent de procurer aux gens les remèdes de prévention et de soins.

En attendant que la paix et les moyens soient relativement suffisants pour me permettre d’y retourner, j’ai accroché le chapeau blanc de papi au mur, il attend notre prochain départ.

 

Bonne lecture,

Ingrid Schutt, homéopathe uniciste

ingrid@homeopathe.ca

www.HOMEOPATHE.ca

514-991-6316

 

 

www.InfoNaturel.ca le 12 janvier 2010

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