mardi 30 mars 2010

MÉDECINE CONVENTIONNELLE ET NATUROPATHIE PEUVENT-ELLES COEXISTER? COLLABORER?

Un important débat!naturopathe

par Lise Guénette, naturopathe, ND.A.et Gilles Parent, naturopathe, ND.A. Membres de l’Association des naturopathes agréés du Québec

La médecine conventionnelle et la naturopathie sont-elles cantonnées dans une guerre éternelle à se regarder en chiens de faïence? Leur conception de la santé et leur approche thérapeutique respective auraient-elles avantage à se conjuguer plutôt qu’à se confronter? L’intérêt du patient et celui du système de santé au Québec sont-ils bien servis?

Dans le cadre d’une série d’articles sur la coexistence et la collaboration entre médecins et naturopathes, nous vous ferons part de ce qui existe déjà ici au Québec et vous partagerons la vision de ceux qui travaillent en équipe. Nous jetterons ensuite un coup d’oeil sur ce qui se fait ailleurs dans le monde. En dehors du Québec, il y déjà belle lurette que des alliances profitables ont été établies pour que les patients soient vus à la fois par le médecin, le naturopathe, le chiropraticien ou l’ostéopathe. Dans les cas de maladies plus complexes, ils se consultent pour choisir l’approche ou les approches thérapeutiques les mieux appropriées. La solution, la vraie solution, ne serait-elle pas la conception de nouveaux modèles d’intervention dans les soins de santé pour qu’à la fois le bien-être du patient et sa liberté de choix soient respectés ?

Le 17 février 2007, dans le cadre de l’Expo Québec de l’Association canadienne des aliments de santé au Palais des congrès de Montréal, nous avons profité d’un débat sur la collaboration entre médecins et naturopathes pour en apprendre davantage. Un médecin, le Dr Paul Lépine, et une naturopathe, Mme Danielle Ruelens, ont partagé leur expérience d’une collaboration réussie.

En 2003, à Québec, ils ont cofondé la « Maison de la Santé », un centre de médecine intégrée qui regroupe 12 professionnels : médecin, naturopathe, homéopathe, ostéopathe, massothérapeute, etc, en plus d’une école de naturopathie, une école de massothérapie, un centre de formation populaire et un gymnase. Ils ont aussi conjointement écrit un livre publié par Québécor « La ménopause : aux hormones ou au naturel ».

Ni la médecine conventionnelle, ni la naturopathie ne possèdent la vérité à 100 %. Dans sa pratique, chacune de ces approches a des forces et des faiblesses. Mais… force est de réaliser que très nombreux sont les patients qui exigent des services à la fois conventionnels et à la fois alternatifs. Les gens exigent également plus de professionnalisme de la part des médecins et des naturopathes, des conseils sur la santé plus nuancés, plus de respect et de complémentarité.

Nous traversons une période charnière. La population québécoise demande, veut, aimerait pouvoir consulter les deux approches en même temps. Et, il n’y a là aucune contradiction. Pour le moment, le médecin et le naturopathe se rencontrent dans une zone grise… mais c’est en train de changer, selon le Dr Lépine. Aujourd’hui, on considère comme une faute professionnelle le fait qu’un médecin dise à son patient de « cesser de voir son naturopathe ».

AVANT ET MAINTENANT

Avant, l’agriculture était biologique et la médecine empirique. Maintenant, l’agriculture et la médecine sont « scientifiques », « chimiques », « technologiques ». La médecine conventionnelle est aujourd’hui fortement influencée par le monde pharmacologique. On identifie, on diagnostique un problème clinique et on prescrit un agent pharmacologique en s’appuyant sur des « preuves scientifiques ». Si cette approche était la « seule et unique » solution, les gens seraient donc tous en santé.

FORCES ET FAIBLESSES

La médecine conventionnelle possède certains points forts comme le diagnostic des pathologies, une compétence exceptionnelle dans les cas d’urgence, des traitements pharmacologiques puissants, le recours à la chirurgie lorsque nécessaire, la gratuité des services et une plus grande facilité d’accès. Toutefois, ces forces engendrent aussi des faiblesses. Structurée dans une conception des soins où pour chaque pathologie, il doit y avoir un traitement spécifique ou un remède pharmacologique, la médecine conventionnelle a négligé toute autre approche de la maladie et de la santé… d’autres approches tout aussi scientifiques mais qui exigent une vision différente. Les problèmes de santé aigus sont, en fait, les seuls à avoir bien répondu à cette approche médicale lorsqu’une opération, un antibiotique ou un médicament sont nécessaires. Ce beau rêve scientifique et l’héritage de plus d’un demi siècle de médicalisation chimique ne nous ont pas apporté la santé tant souhaitée.

Comme disait le Dr Lépine dans son allocution : « La médecine engendre beaucoup de dépendance. Les gens n’apprennent pas à se prendre en main. La médecine ne favorise pas l’autonomie. Par conséquent, le médecin n’est pas un professeur de la santé. »

Et c’est là, justement, que la naturopathie prend toute sa force. La naturopathie conçoit la santé et la maladie dans un continuum, la maladie n’étant qu’un état de déséquilibre de la santé, une tentative de compensation, un signal d’alarme. La santé, c’est à la fois un équilibre physique, biochimique, mental et émotionnel. Cet équilibre ne peut se réaliser sans une hygiène de vie et un environnement sains car ce sont ces facteurs qui contribuent le plus à la prévention et aux traitements des maladies chroniques. La naturopathie ne peut se concevoir sans la notion de globalité de l’être humain, ni sans une vision d’éducation qui intègre une alimentation de qualité, une activité physique, la gérance du stress et un environnement sain. L’éducation à la santé constitue la pierre angulaire de la naturopathie. Sans elle, l’autonomie du patient, la prévention et la guérison ne peuvent se réaliser. L’individualité biochimique de chaque personne est une autre dimension importante considérée par la naturopathie. Chaque personne est unique et mérite souvent une approche thérapeutique différente.

Selon Mme Danielle Ruelens, naturopathe, la naturopathie a aussi ses faiblesses. Certaines personnes la voient comme une pseudo-science parce qu’elle n’a pas essentiellement recours aux recherches à double insu, croisées, contrôlées. Le modèle médical conventionnel est beaucoup plus simple : diagnostic et prescription. Pourtant, de nombreux problèmes de santé, surtout s’ils sont chroniques, ne sont pas de nature «une maladie, un microbe», mais plutôt la résultante de multiples causes et facteurs qui interagissent entre eux. Le naturopathe doit constamment lutter pour éviter d’imiter le médical dans son approche et son plus gros handicap, celui-là même qui fait sa force, c’est justement de demander au client de faire des efforts pour changer les habitudes de vie qui lui nuisent.

« Il vaut mieux prévenir que guérir », disait le Dr Lépine, et « il n’existe pas de prévention avec les médicaments, il n’y a pas une once de santé dans les médicaments. Face à la chronicité des maladies, il n’y a pas de solution médicale à part celle de soulager. La médecine n’a pas d’autre moyen d’aider le patient. »

Aujourd’hui, les cas chroniques et complexes sont le lot de 70 % des consultations chez le médecin. Le Dr Halsted Holman, de la Stanford Medical School, écrivait en 2004 dans l’éditorial du Journal of the American Medical Association, et nous traduisons : « La maladie chronique est maintenant la principale cause d’invalidité et de recours aux services de santé et consomme 78% des coûts de la santé.[i]» Cette importante partie de la population affectée par des maladies chroniques et complexes compte pour 70 à 90% des mortalités aux Etats-Unis[ii]. Les maladies chroniques requièrent une pratique médicale bien différente de celle des maladies aigues. Pourtant, la formation des médecins ainsi que la structure des études cliniques sur laquelle les médecins fondent leurs décisions thérapeutiques continue d’être orientée sur l’utilisation des médicaments et la chirurgie, plutôt que sur des traitements complets qui incluent le style de vie du patient[iii].

SI… POURQUOI

Les maladies chroniques sont responsables de près de 80% des coûts de la santé. SI on considère que des facteurs modifiables, comme le style de vie et l’alimentation, sont parmi les facteurs de causalité du développement de nombreuses maladies chroniques, SI on considère que la médecine conventionnelle ne peut apporter que du soulagement, SI on considère que la naturopathie offre une approche thérapeutique orientée sur la modification des habitudes de vie néfastes du client, POURQUOI ne pas investir dans cette complémentarité de soins pour le plus grand bien-être du patient ?

Malgré la rigidité et les zones grises des lois qui régissent le domaine de la santé au Québec, on voit surgir des cliniques multidiciplinaires où médecins et naturopathes non seulement coexistent mais collaborent ensemble… pour le plus grand bien et le plus grand respect de leurs patients. Les médecins et les naturopathes ne prêtent-ils pas le même serment d’Hippocrate?

La santé coûte cher, les patients veulent être respectés et traités différemment. Ce n’est pas en utilisant la « peur » qu’on respecte les gens. Que de peurs irrationnelles flottent dans l’air au sujet des interactions entre les produits de santé naturels et les médicaments. Et pourtant, à part quelques exceptions, il y a peu d’interaction entre les produits de santé naturels et les médicaments; les craintes sont souvent exagérées. Dans les faits, il y a beaucoup plus d’interactions entre les médicaments, surtout si le patient en prend 4, 5 ou 6.

Le Québec a besoin de plus de « Maison de la santé » où naturopathes, médecins, ostéopathes, chiropraticiens, massothérapeutes, sages-femmes et autres professionnels complémentaires travailleraient ensemble. Si c’est le bien-être du patient le plus important, toutes les collaborations sont souhaitables, dans le respect des champs de pratique de chaque discipline et l’échange de connaissances scientifiques. Une meilleure collaboration entre médecins et naturopathes permettrait l’émergence de nouveaux paradigmes d’approches thérapeutiques. Et, qui en profiterait le plus… le patient.


[i]. Holman, H. «Chronic disease - the need for a new clinical education.» dans JAMA, vol. 292, no. 9, 2004, p. 1057 à 1059.

[ii]. Willet, W. C. «Balancing life-style with genomics research for disease prevention.» dans Science, vol. 296, 2002, p. 695 à 697.

[iii]. Well, C. V. et J. A. Knottnerus. «Evidence-based interventions and comprehensive treatment.» dans Lancet, vol. 353, no. 9, p.916 à 918.

Paru dans Vitalité Québec, Juin 2007 – InfoNaturel le 30 mars 2010

Source : Association des naturopathes agréés du Québec, www.anaq.ca

http://www.anaq.ca/articles/Medecine%20conventionnelle%20et%20naturopathie%20peuvent-elles%20collaborer.pdf

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