Par Johanne Verdon ND.A.
Selon le point de vue mécaniste, le cancer résulte de dommages à l’ADN cellulaire par des substances nocives : le tabac, une mauvaise alimentation, etc. Si cela demeure exact, on est en droit de se demander pourquoi par contre certaines personnes, malgré de mauvaises habitudes de vie, ne développent pas un cancer. Pourquoi tous les fumeurs ne sont-ils pas atteints d’un cancer des poumons par exemple? Pourquoi toutes les femmes ménopausées à qui on a donné pendant des années des hormones provenant de l’urine de juments enceintes n’ont pas développé un cancer du sein?
L’ADN doit avoir subi dix lésions pour entrer en phase d’initiation de cancer. Là où ailleurs dans le corps, ces lésions primaires peuvent n’être que temporaires et être carrément éliminées par la régénérescence de l’ADN ou la mort cellulaire (apoptose). Si par contre cela n’a pas lieu, les phases ultérieures de changement cellulaire en cellules malignes, soit la promotion et la progression évolueront vers la formation d’une tumeur. Pourquoi, lorsque les conditions perdantes que l’on considère comme étant cancérigènes sont réunies tel que mentionné plus haut, les cellules ne sont-elles pas toujours en activité anarchique? Il semble justement que l’état psychologique d’un individu fasse la différence.
On croyait autrefois que les centres immunitaires n’étaient influencés que par les hormones. Or, on sait aujourd’hui qu’ils sont abondamment pourvus de nerfs. Il y a donc une étroite communication entre le cerveau et le système immunitaire. Les glandes qui produisent les hormones sont aussi directement reliées au cerveau qui communique avec les glandes par un langage propre au corps. Voyons ce qu’en pense le Dr Marc E. Lippman, chef de la division sur le cancer du sein à la direction médicale du National Cancer Institute, à Bethesda, au Maryland : « Le système endocrinien humain fournit un médiateur d’interaction crucial entre la psyché et la tumeur (…) il semble incontournable que des facteurs psychiques puissent provoquer des changements endocriniens qui auront des effets sur la biologie de la tumeur ». 1(Levy, Behavior and cancer, op. cit, p. 146-147)
Une étude réalisée en 1999 sur l’influence des effets psychologiques sur le cancer du poumon 2(J.K. Kiecolt-Glaser et R. Glaser, Psychosomatic Medecine, vol. 61, 1999, p. 271-272) a démontré que le système immunitaire (les lymphocytes) de patients psychiatriques fortement dépressifs n’arrivait pas à régénérer l’ADN atteint après une exposition aux rayons X. Le stress chronique, le refoulement de la colère lors d’un état dépressif, diminuent l’activité des cellules NK, les Natural Killers, qui défendent le corps contre le risque de développement d’une anarchie cellulaire. 3(W. Jung et M. Irwin, Psychosomatic Medecine, vol. 61, 1999, p. 263-270). Les conclusions d’études sont nombreuses.
Une étude britannique 4(S. Greer et T. Moris, Phychological attributes of women who develop breast cancer) est aussi arrivée à la conclusion que le refoulement extrême de la colère est une caractéristique souvent observée chez les victimes de cancer du sein. Cent soixante femmes devant subir une biopsie du sein ont répondu à un interrogatoire psychologique serré. Les chercheurs ont constaté une association significative entre « le diagnostic de cancer du sein et un pattern d’expression anormale des émotions qui persiste pendant toute la vie adulte. Dans la plupart des cas, ce pattern consistait en un refoulement extrême de la colère et, chez les patientes de plus de 40 ans, un refoulement extrême d’autres sentiments ». 5(Quand le corps dit non, Dr Gabor Maté, Éditions de l’homme). Une autre étude 6(M. Wir S. Ching, Psychological Identification of breast cancer patients before biopsy, 1982) est arrivée sensiblement à la même conclusion. Dans cette étude, les chercheurs ont prédit la présence de cellules cancéreuses avant la biopsie dans 94% des cas en s’appuyant uniquement sur des facteurs psychologiques :
- enfance marquée par l’éloignement émotionnel dans leur rapport parental ou d’autres perturbations ;
- refoulement des émotions encore une fois, particulièrement la colère ;
- manque de relations sociales chaleureuses à l’âge adulte ;
- comportement compulsivement altruiste. 7(Quand le corps dit non, Dr Gabor Maté, Éditions de l’homme).
Lors de cancer, on constate que la réponse immunitaire est affectée. Pourquoi le garde du corps est-il K.O. ? À cause d’une attaque physique, biologique, chimique ou encore psychologique?
« Certaines expériences ont également examiné le rôle du stress dans l’incidence des tumeurs. Vernon Riley, du Fred Hutchison Reasearch Center à Seatle, dans l’État de Washington, a entrepris des recherches dans ce domaine. Il a soumis des souris de laboratoire à toute une gamme de stress, y compris l’isolation et le surpeuplement, après qu’on les eut sevrées de mères porteuses d’un virus susceptible d’entraîner une tumeur mammaire. À la suite d’une série d’expériences, Riley a démontré que l’incidence des tumeurs mammaires chez leurs rejetons pouvait augmenter jusqu’à 90 pour cent en présence d’un stress, alors qu’elle demeurait à 7 pour cent dans un environnement protégé. Riley a émis le commentaire suivant au sujet de sa recherche : « Ces données suggèrent qu’un stress chronique et modéré ou un stress intermittent peuvent prédisposer de telles souris à un risque accru de carcinome mammaire, possiblement à cause d’une atteinte à leur système de défense immunitaire ou de surveillance des tumeurs, et qu’une protection adéquate contre le stress physiologique peut réduire l’apparition de tumeurs mammaires chez les souris » (Riley, 1975) » 8(Le pouvoir de se guérir ou de s’autodétruire, Dr Kenneth R. Pelletier, Québec Amérique).
La référence de Riley à la réduction du stress physiologique a cependant plusieurs volets, soit :
- un bon environnement psycho-social ;
- un nutrition adéquate comportant une grande quantité de fruits, de légumes, de fines herbes antioxydantes, une réduction des mauvais gras, etc. ;
- un poids santé ;
- un sommeil réparateur ;
- de l’activité physique
- être non-fumeur ;
- ne pas abuser d’alcool, etc...
La vision globale des choses nous amène à constater que plusieurs facteurs et processus sont au rendez-vous lors du développement d’un cancer. On pourrait parler ici d’un point de vue biopsychosocial. L’épidémiologue Elizabeth Maunsell s’est intéressée à l’influence du stress sur le cancer du sein. Après son doctorat en sociologie, elle a poursuivi ses travaux et, en 1995, elle a publié une étude dont les conclusions ont été qualifiées de spectaculaires : sept ans après un cancer du sein, le taux de survie des femmes est de presque 30 pour cent plus élevé si elles ont eu un confident pendant les premiers mois qui ont suivi le diagnostic. Elles ont pu communiquer, ont été réconfortées. Elle ne se sont pas senties isolées. Elles ont reçu de la chaleur humaine. Qui a-t-il de plus précieux? et de plus rare, suis-je tentée d’ajouter!
Toujours d’après Elizabeth Maunsell, les données montrent qu’il n’existe aucun lien entre le nombre et la gravité des événements stressants survenus dans les cinq dernières années précédant un diagnostic de cancer du sein et le risque de mortalité dans les sept années qui suivent le diagnostic. « Nos résultats ne signifient pas qu’il n’existe pas de lien entre le stress et l’apparition d’un cancer, précise-t-elle. On n’a pas d’information là-dessus. Par contre, le fait d’avoir vécu de nombreux événements stressants ne semble pas affecter les chances de survie des femmes qui ont eu un cancer du sein. » Comment réagit-on à ces événements stressants? Là semble résider une importante clé qu’il faut toujours identifier dans un interrogatoire psychologique serré, et pourquoi ne se soucier que de quelques années dans la vie d’une femme…
Il est important de revenir à la définition première du mot stress utilisé au départ, soit la résistance à une pression. Pour l’humain cela se joue dans l’attitude ou encore « le lâcher prise » ou la faculté d’adaptation. Pour diverses raisons biopsychosociales liées au mode de vie et à l’histoire de vie de la personne, un stress devenu excessif excédant donc les capacités de la personne et donc par conséquent de l’organisme d’y répondre, fera en sorte que l’élastique casse. Un état de perturbation, de non-harmonie du milieu interne normalement stable s’installe et cela peut être si grave que le système immunitaire, notre garde du corps, en soit paralysé. Hans Selye qui le premier a découvert et décrit les mécaniques du stress, a écrit : « On peut dire sans hésitation que les plus importants facteurs de stress pour l’homme sont d’ordre émotionnel. »
Johanne Verdon, naturopathe agréée, le 15 avril 2009
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Référence :
1. Levy, Behavior and cancer, op. cit, p. 146-147.
2. J.K. Kiecolt-Glaser et R. Glaser, Psychosomatic Medecine, vol. 61, 1999, p. 271-272.
3. W. Jung et M. Irwin, Psychosomatic Medecine, vol. 61, 1999, p. 263-270.
4. S. Greer et T. Moris, Phychological attributes of women who develop breast cancer.
5. Quand le corps dit non, Dr Gabor Maté, Éditions de l’homme.
6. M. Wir Sching, Psychological identification of breast cancer patients before biopsy, 1982.
7. Quand le corps dit non, Dr Gabor Maté, Éditions de l’homme.
8. Le pouvoir de se guérir ou de s’autodétruire, Dr Kenneth R. Pelletier, Québec Amérique.
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