Encore une étude (1) qui va dans le sens contraire de ce qui est habituellement admis, et qui fait la manchette (2). En effet, une nouvelle analyse des données d’une immense cohorte (plus de 30 000 cas de cancer) arrive à la conclusion que la consommation de fruits et légumes n’aurait qu’un effet marginal dans la prévention des cancers. Faut-il oublier tous les conseils nutritionnels et se lancer dans une diète néfaste food comme celle utilisée dans Supersize Me?
Avant de jeter les fruits, légumes et autres antioxydants au compost (au moins, sauvons la planète ), regardons de près l’étude sur laquelle est basée cette analyse. La fameuse étude EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and nutrition) a suivi durant plus de 8 ans près d’un demi million de personnes dans 10 pays européens. De ce nombre, 30 000 ont développé un cancer. À l’aide de divers questionnaires, on a cherché à faire des liens, avec l’alimentation entre autres, pour trouver les causes et facteurs de risque des cancers.
Sources de biais
Si vous avez lu Une étude sur les multivitamines, vous me voyez peut-être venir… Le problème principal est le même dans les deux études: le moyen d’obtenir l’information, soit des questionnaires remplis à la fin de l’étude. Même si la cohorte a été suivie durant 8 ans, l’information a été obtenue de façon rétrospective, en faisant appel à la mémoire des gens sur ce qu’ils ont mangé durant les années précédentes.
Il est particulièrement bien démontré que ces résultats sont toujours biaisés. Il est naturel et humain de modifier les résultats en fonction de ce que l’individu perçoit comme étant la meilleure réponse. Dans le cas qui nous intéresse, il est évident que les personnes qui ne mangent que peu de fruits et légumes ont tendance à améliorer la réalité!
Autre biais très probable: la notion de portion est passablement floue. Qu’est-ce qu’une portion pour vous? Est-ce la même chose pour le voisin? Même si les questionnaires définissaient les portions en grammes, qui sait combien pèse une pomme? ou quelques raisins?
Résultats
Les résultats de cette analyse montrent qu’une consommation qualifiée d’importante (200g/jr et plus) de fruits et légumes offrirait une protection contre le cancer de 3% et une consommation moins importante (100g/jr), une protection de 2%. Bref, pourquoi se forcer?
Quant on s’arrête à regarder les chiffres, on voit tout de suite que 200g, ce n’est pas si important que ça: une pomme pèse facilement 150g! La différence entre 100g et 200g paraît grande, mais même avec une consommation de 200g/jr, on est très loin des recommandations minimales du guide alimentaire canadien. Si une pomme moyenne pèse 150g, alors 5 portions correspondent à plus de 500g/jr … Si on avait analysé les résultats de l’étude en considérant une consommation importante comme étant plutôt de l’ordre de 750g par jour, quelle aurait été la conclusion?
Fait intéressant, dans la même cohorte, l’effet de protection est de 9% pour une consommation de seulement 80g/jr lorsque les données sont analysées en fonction des cancers des voies respiratoires et digestives supérieures. (3) Ainsi, manger la moitié d’une pomme par jour serait bénéfique…
Finalement, peut-être que ces résultats ne veulent pas dire grand-chose…
On sait aussi que, entre l’apparition des premières cellules cancéreuses et l’arrivée du véritable cancer, il peut s’écouler 10, voire 40 ans. La durée de cette étude (8 ans) est donc probablement trop courte pour permettre de détecter l’effet d’une intervention alimentaire de prévention.
Il faut également garder à l’esprit que les cancers sont souvent multifactoriels. L’alimentation n’est qu’un de ces facteurs, complexe certes, mais pas unique. Il y a l’environnement, le stress, les perturbateurs hormonaux et autres substances…
Selon le célèbre Dr Richard Béliveau, la consommation de fruits et légumes à très long terme demeure la meilleure protection contre les cancers. (4) J’y ajouterais: la vitamine D à plus de 2000 UI par jour, l’éradication des substances cancérigènes et perturbatrices endocriniennes de notre environnement… et pourquoi pas l’élimination des champs électromagnétiques et des émotions négatives…
De l’information s.v.p.
Ce qui me surprend toujours, ce n’est pas tellement qu’on publie des résultats comme ceux-ci, mais surtout qu’ils fassent la manchette! Est-ce vraiment de l’information? Bien sûr que non. Le cancer est à la mode (le Dr Béliveau aussi), c’est donc une nouvelle payante. Qui se soucie de semer la confusion?
Les fruits et légumes sont-ils bons pour nous?
Avons-nous vraiment besoin d’une étude pour répondre à cette question? Le meilleur indicateur que les fruits et légumes sont bons pour nous n’est pas le fait qu’ils préviennent ou non les cancers, mais plutôt le comment-on-se-sent quand on en mange beaucoup. Faites le test! Durant une semaine, mangez vos 10 portions de fruits et légumes colorés par jour (vous verrez, c’est beaucoup plus facile que vous ne le croyez).
· Déjeuner: 1 verre de jus de fruits
· Collation: 2 fruits
· Dîner: 2 portions de légumes
· Collation: 2 fruits (avec des noix, pour mieux soutenir)
· Souper: 3 portions de légumes
Et voilà, 10 portions!
Si vous voulez pousser le test, n’en mangez aucun la semaine suivante (si vous êtes capable :-0 ). Comparez comment vous vous sentez. Vous verrez très rapidement que l’intérêt de bien manger n’est pas abstrait, mais qu’il se fait sentir à court terme, dans la vie de tous les jours.
Bon appétit!
Par: Jean-Yves Dionne, B.Sc. Pharm.
Références:
1. Boffetta P, Couto E, Wichmann J, et al.
Fruit and Vegetable Intake and Overall Cancer Risk in the European Prospective Investigation Into Cancer and Nutrition (EPIC). J Natl Cancer Inst. 2010 Apr 6.[Epub ahead of print] PubMed PMID: 20371762.
2. Prévention du cancer, Les fruits et légumes, pas une panacée. Mise à jour le jeudi 8 avril 2010 à 22 h 26 sur www.radio-canada.ca
3. Boeing H, Dietrich T, Hoffmann K, et la. Intake of fruits and vegetables and risk of cancer of the upper aero-digestive tract: the prospective EPIC-study. Cancer Causes Control. 2006 Sep;17(7):957-69. PubMed PMID: 16841263.
4. Prévention du cancer : fruits et légumes à chaque repas au moins. Compte-rendu FAV Health 2005, un symposium international sur les effets santé des fruits et légumes, allocution de Richard Béliveau par Françoise Ruby sur Passeportsante.net
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